Le chemin de l'Inca Patrick Bard
C'est au XVe siècle que l'empire inca atteignit sa période d'expansion optimale. En à peine plus de 100 ans, cette confédération impériale protocollectiviste étendit ses frontières du sud de l'actuelle Colombie jusqu'aux rives du Rio Maule, au Chili. À cet empire à échelle continentale, il fallait un réseau routier. Destiné aux échanges de marchandises, à l'acheminement des denrées comme de l'information, le Qhapac Ñan "le Grand Chemin", en constitua le tronçon principal. Long de 5 000 km, il traversait la Cordillère des Andes depuis la frontière colombienne jusqu'à l'actuelle Santiago du Chili, desservant l'Équateur, le Pérou, la Bolivie, et abordant la cordillère argentine.
Colonne vertébrale d'un réseau secondaire caracolant sur les cimes andines au long de plus de 40 000 km, fait de millions de marches, de tunnels, d'escaliers et de sentiers qui convergeaient vers la capitale impériale, Cusco, le Qhapac Ñan a été l'instrument parfait de l'unification des routes préhispaniques et de l'unité d'un monde vertical érigé entre Océan Pacifique et Amazonie. Ironie de l'Histoire, la route facilita la conquête espagnole qui mit un terme à l'aventure inca en 1532. Le Qhapac Ñan était tombé en désuétude au cours de la période coloniale.
De nombreux tronçons principaux et secondaires du réseau routier inca sont encore régulièrement empruntés par les membres des communautés autochtones. En concertation avec les populations locales et avec des objectifs de développement durable, les archéologues des pays concernés ont entrepris depuis peu un scrupuleux relevé des tracés de cette route désormais considérée comme l'élément patrimonial le plus important d'Amérique latine.